Récemment, l’épisode 6 de la saison finale de Shingeki No Kyojin a fait fortement débat. La cause ? Quasi exclusivement la « qualité d’animation », qui a été pointée du doigt, surtout à cause de la CGI. L’animation 3D est un sujet sensible parmi les fans de japanimation, certains adhérent tandis que d’autres détestent.
Nous vous proposons donc aujourd’hui qu’on analyse le sujet plus en profondeur, de la CGI dans la japanimation.
Déjà, peu importe que vous aimiez ou non la CGI, l’une de vos scène favorites en possède probablement. La CGI, ce n’est pas que l’animation 3D, ce sont tous les effets spéciaux à introduire dans l’anime : des auras, des flammes, des explosions, etc., vu que CGI veut dire « Computer-generated imagery ». Évidemment, ce n’est pas ce côté de la CGI qui fait débat, mais l’animation 3D en elle-même, et qu’elle vient remplacer partiellement ou totalement la 2D classique.
La première question qu’on peut se poser c’est : pourquoi avoir recours à la CGI, alors que la majorité semble préférer l’animation 2D ? Comme vous vous en doutez peut-être, on peut résumer ça par une question de moyens, qu’ils soient humains, financiers ou temporels. D’abord, on va taper sur un cliché qui a la peau dure : « La CGI coûte moins cher que l’animation classique. » En réalité, c’est bienn plus complexe que ça. On peut même dire, qu’à la base, la CGI coûte plus cher que l’animation faite à la main.
Pour faire de l’animation 3D, d’abord, il faut créer des modèles 3D, qui est une étape pouvant être longue et fastidieuse, et évidemment, il faut avancer une certaine somme pour les réaliser, car une fois fini, le plus dur est fait, il ne reste plus qu’à les animer. Non que cela soit une étape facile, mais c’est là que ça devient intéressant pour les studios, car cela leur permet de faire animer des passages bien plus complexes à faire en animation 2D, beaucoup plus rapidement et facilement. Pour faire simple, la CGI ne coûte pas moins cher, elle est juste bien plus rapide et facile à faire, ce qui est parfait dans un milieu où les deadlines de projets sont très souvent atroces.
Elle est aussi plus facile à faire, car les animateurs sont bien plus faciles à trouver, vu que c’est un milieu qui évolue bien. Contrairement à celui de l’animation classique, où les techniques peuvent difficilement évoluer, vu qu’il s’agit du travail manuel avec du dessin sur papier, et que dû aux grandes difficultés du milieu, un certain nombre peut le quitter et assez peu arrivent, si ce n’est surtout des étrangers fan d’animes, ce qui créé une réelle pénurie des animateurs. Vraiment, les animateurs 2D, surtout ceux à l’international, il faut bien comprendre que s’ils travaillent dans l’industrie de la japanimation, c’est uniquement par passion. Pour les conditions de travail et le salaire, l’occident est bien plus intéressant. Nous rappelons que c’est un milieu extrêmement dur, dont on ne parle pas assez.
Pour revenir aux animateurs 3D, il faut prendre aussi en compte que le milieu évolue car l’industrie de l’animation en général a énormément démocratisé la CGI, surtout dans le reste du monde ; que plus le temps passe, plus la technologie évolue, la rendant plus simple et accessible ; tout ça créer donc plus de demandes, ce qui engendre plus de personnes se mettant à travailler en tant qu’animateurs 3D, qui sont d’ailleurs mieux payés par rapport au suivi qu’ils doivent avoir sur l’évolution constante des technologies autour, et qu’ils ont su préserver une bonne valeur sur le marché ; résultant donc sur une boucle d’évolution. Pour être honnête, si le Japon reste attaché à l’animation 2D classique, c’est surtout car il s’agit de leur fierté national à travers le monde. On le répète, mais l’animation 2D n’évolue pas, cela reste du dessin sur du papier, contrairement à la CGI, qui est basée sur une technologie, où des IA savent déjà produire et animer des modèles 3D de façon basique.
Maintenant que vous savez tout ça, revenons aux studios qui doivent parfois faire face à un choix dans des temps limités : soit produire une animation moche, et on sait à quel point cela peut parfois être dévastateur pour la réputation d’un anime ou un studio, ou alors inclure de la CGI, qui peu importe la qualité, sera considéré comme un défaut par beaucoup, mais d’une façon moins négative que de la mauvaise animation 2D.
Vu qu’on parle de qualité de CGI : qu’est ce qu’une bonne et une mauvaise CGI ? Vous vous en doutez sûrement, une mauvaise CGI n’est pas compliquée à définir. L’exemple qui ressort d’ailleurs le plus souvent, est celui de l’anime Berserk de 2016, vu notamment qu’il rassemble les défauts que peuvent avoir la CGI : trop ou pas assez de fluidité et des graphismes à l’aspect daté. Bref, un rendu global qui n’est pas naturel, surtout pour des standards d’anime. Plus récemment dans ce genre là, il y a aussi l’anime Ex-Arm, adaptant le manga du même nom, où simplement voir le trailer, suffit à faire comprendre les problèmes de l’œuvre.
En revanche, une bonne CGI, ça paraît simple, mais la réflexion peut-être plus complexe qu’on ne le pense. Les deux qualités qui font que les spectateurs peuvent aimés ou au moins ne pas être gênés par la CGI, c’est quand elle peut se confondre avec l’animation 2D ou alors qu’elle apporte une plus-value à l’anime, en donnant une aura particulière ou en réalisant des scènes beaucoup trop longues et complexes à faire à la main.
Mais surtout l’importance, c’est comment est utilisée la CGI, principalement dans les animes 2D à la base. Vous ne l’avez sans doute pas remarquer, mais plein d’animes ont recours à de la CGI en arrière-plan, qui trouve le juste milieu entre le détails et la simplicité, pour optimiser le plus possible le budget mis dedans, tout en faisant en sorte que cela ne choque pas.
L’un des points les plus importants pour bien intégrer de la CGI, c’est la luminosité dans la scène et ce n’est pas toujours facile de bien l’intégrer. Car avoir un personnage avec une luminosité mal gérée, c’est montrer que celui-ci est intégré a posteriori, un peu comme s’il ne devait pas en faire partie à la base. Pour Shiingeki No Kyojin, Mappa a fait les choses intelligemment, avec une bonne gestion de la lumière, en les intégrant souvent dans des combats de nuit, sans vraiment de lumière naturelle, mais aussi en rajoutant de la fumée dans les mouvements, résultant sur une meilleure intégration à la scène, tout en ne foutant pas constamment en pleine bouche que le personnage est en CGI.
Prenons par exemple Love Live, un anime d’idols, où dans ce genre, la CGI est souvent utilisée pour les chorégraphies. Dans de nombreuses séquences, seul l’œil affûté remarquera la 3D. Pour quels raisons ? Justement parce que le studio ne s’embête quasiment pas avec le problème de la lumière, se basant sur l’éclairage à pleine puissance d’une scène. Il y a évidemment aussi l’absence de traits, influant beaucoup sur cet aspect plat propre à l’animation, et enfin la fluidité des mouvements.
Ça, c’est le deuxième sujet sensible : pourquoi l’animation de la CGI paraît si souvent étrange ? Cela est à cause du framerate. Il est souvent soit trop élevé, soit trop faible ou alors trop… constant. À la base, même si à un anime tourne à 24 fps, l’animation elle, à un framerate qui fluctue beaucoup. Il est généralement de l’ordre de 8 à 12 fps, pouvant descendre jusqu’à 6 fps pour des objets ou personnages en arrière-plan. La raison à ça ? C’est que chaque frame correspond tout simplement à un dessin, et les animateurs sont payés au nombre de dessins.
Donc, pour combler le manque de moyens qu’ont les studios (contrairement à tout l’argent circulant dans l’industrie), la solution a toujours été de garder un compromis entre la fluidité et le framerate, justement en baissant ce dernier. C’est pour cela d’ailleurs que les dessins animés Disney paraissent si fluides, car ils tournent ET sont rendus à 24 fps. Si nous avons introduit tout ça, c’est bien parce que toute cette histoire embête bien les animateurs 3D. Eux n’ont pas cette limitation, ils peuvent rendre à 24 fps, voire plus sans soucis. Le problème, c’est le standard du marché de la japanimation, ainsi que le conditionnement de ses fans. Même pour des animes full CGI, il est naturel d’être, malheureusement, perturbé par une animation trop fluide, alors qu’on espère au fond un rendu proche de l’animation 2D, avec donc ses défauts.
Pour traiter l’animation de la CGI, il y a deux écoles : celle de donner un rendu à 24 fps plus fluide, mais qui donnera une certaine confusion aux amateurs d’animes, ou bien baisser intentionnellement le framerate pour coller au style et à l’esthétique de l’animation 2D, mais c’est un art beaucoup plus complexe qu’on ne peut le penser. C’est une logique simple, mais pour donner un autre framerate à une vidéo déjà rendu dans un certain nombre de fps, il n’y a que deux solutions, qui sont d’enlever ou rajouter des frames. Vous avez sûrement compris, cet aspect étrange rendu parfois avec la CGI sur la fluidité, c’est pour atteindre un framerate proche de celui des animes, ce qui donne parfois l’impression de frames qui manquent, et notre cerveau a souvent du mal avec toutes ces notions.
Et si vous vous dites que c’est simple, qu’il suffit juste de baisser le framerate rendu à 8 ou 12 fps, malheureusement, c’est bien plus complexe que ça. Déjà, le framerate de l’animation 3D sera constant, alors que celui de la 2D ne l’est pas, mais surtout, l’animation 2D est prévue de base pour être à ce framerate, chose beaucoup plus complexe pour celle en CGI. C’est aussi pour ça que les fameuses vidéos d’animations en 60 fps sont parfois si étranges, car ce sont des rajouts de frames par une IA, sur un anime qui n’est pas prévu pour être rendu à un framerate aussi élevé, en faisant très souvent perdre tout le charme de l’animation. Vous pouvez vérifier d’ailleurs, vous verrez que la fluidité de l’animation n’est pas constante.
Maintenant que nous sommes passés sur nombreux des aspects de la CGI, pourquoi certains ne voient pas de problèmes qu’elle soit utilisé pour les animes, tandis que d’autres en sont totalement répugnés ? Pourquoi une telle polarisation des opinions sur le sujet ? Pour la première catégorie ce sont surtout des gens qui s’y sont faits, voire qui aiment le rendu final, alors que la seconde catégorie est beaucoup plus vaste au niveau de ses raisons d’être contre la CGI.
Celle principale, c’est la peur qu’elle donne un mauvais résultat à l’anime qui pouvait potentiellement être attendu. La CGI se cherche toujours plus ou moins dans le monde de la japanimation, elle a été démocratisée au même moment qu’internet et de ce fait, les séquences de mauvaises utilisations faisaient plus parler d’elles que les bonnes. Dans l’anime en lui-même, cela pouvait bien plus faire sortir du show qu’aujourd’hui. On se retrouve donc avec l’animation 2D dont tout le monde est habitué et qu’on oserait pas remettre en question, avec en parallèle la CGI qui est quelque chose de nouveau, relevant de l’inconnu et qui surtout n’a pas vraiment brillé.
À partir de ce moment là, la CGI avait déjà une mauvaise réputation, étant connue pour être le fruit de séquences, voire d’animes ratés, ce qui engendra une peur pour cette technique d’animation, malgré qu’elle était amenée à évoluer. Mais comme souvent, cela relève de la connaissance en animation dont beaucoup manquent dans leurs propos. On peut aussi y voir une déception de certains pour l’époque, de voir les dessins animés en 2D en occident, se faire remplacer de plus en plus par de l’animation 3D, avec donc la peur que ce modèle se perpétue en Asie.
Dans un autre sens, moins légitime, on peut y voir un certain syndrome de l’enfant roi, qui ne veut juste par en voir du tout, ne prenant absolument pas en compte la raison de sa présence. Mais surtout, qui considère de la bonne CGI, celle étant de la même qualité que des Disney, Pixar, DreamWorks, etc. ou même dans le jeu vidéo, avec par exemple les travaux de Arc System Works, studio à l’origine de Dragon Ball FighterZ, Guilty Gear, Blazblue et bien d’autres.
On ressent que chez beaucoup, derrière la critique de la CGI, que ces dernières disent que cela soit moche ou non, cela traduit surtout la pensée de « ça aurait été mieux en 2D ». C’est compréhensible, mais c’est là qu’on se rend compte qu’il faut sérieusement s’intéresser à la gestion de la production derrière une œuvre. Pour certains cas, demander ça paraît autant irréaliste que demander qu’un anime soit entièrement en animation sakuga, c’est à dire une scène magnifique et très fluide, qui peut parfois prendre des mois de production à un seul animateur. Un peu dans la même logique qu’il n’est pas légitime d’être déçu de ne pas voir de gros effets spéciaux complexes dans un film à petit budget. Et puis la CGI sait aussi ajouter un charme unique. Sauf pour des animes comme Ex-Arm, et si vous êtes fans du manga, désolé pour vous.