Dans la grande famille qu’est le manga, il y a un genre spécifique nommé furyo, mettant en scène des voyous japonais, des yakuzas et autres délinquants, caractérisés par des cheveux décolorés, de belles motos et des grands uniformes noirs. Les plus connu étant Young GTO, Racaille Blues ou encore Rookies, le furyo est un genre qu’on ne voit que trop peu dans l’Hexagone, malgré une grande popularité au Japon. Ce style d’œuvre peine malheureusement à trouver un succès commercial en France, malgré une qualité indiscutable.
Mais certains font exception. Aujourd’hui nous voudrions revenir sur un furyo, paru chez nous aux éditions Glénat en avril 2019, Tokyo Revengers de Ken Wakui. Le manga connait un fort succès au Japon avec plus de 3,5 millions de ventes pour 15 tomes sortis et toujours en cours. Nous parlerons plus précisément de notre découverte de l’œuvre via les 5 tomes parus en France à ce jour. Pas d’inquiétude, aucun spoil à l’horizon.
Synopsis :
À 26 ans, Takemichi a le sentiment d’avoir déjà raté sa vie. Vivotant de petits boulots ingrats tout juste bons à payer le loyer d’un studio miteux, il se lamente sur le désert de sa vie amoureuse lorsqu’il apprend la mort de Hinata, la seule petite amie qu’il ait eue… La jeune fille et son frère ont été les victimes collatérales d’un règlement de comptes entre les membres d’un gigantesque gang, le Tokyo Manji-kai. Encore sous le choc, Takemichi est à son tour victime d’un accident qui le ramène inexplicablement 12 ans en arrière, lorsqu’il était au collège et se donnait des airs de mauvais garçon. Et si c’était pour lui l’occasion de sauver Hinata ? Mais en tentant de modifier le futur, Takemichi se retrouvera inexorablement mêlé aux complots se tramant autour du Tokyo Manji-kai et de son charismatique et mystérieux leader…
Retour à l’ère des délinquants…
Une chose est clair avec Tokyo Revengers, c’est que dès le début de l’intrigue les bases sont posées. Ce sera donc une histoire de saut temporel pour sauver l’ex petite-amie du héros. Le manga prend place dans un monde réaliste, comme très souvent dans les œuvres du genre, mais ajoute une dimension fantastique, qui touche à l’imaginaire, voir au fantasme, de pouvoir remonter dans le temps.
De nombreuses œuvres utilisent le voyage temporel, mais il en existe grosso modo deux types : Ceux dont les événements changés dans le passé n’ont pas d’impact sur le présent, le premier exemple qui vient en tête étant Dragon Ball avec son arc Cyborg/Cell, quand Trunks vient dans le passé, n’affecte pas son présent. Le second type est celui où ce qui arrive dans le passé change le présent, comme dans Retour vers le futur, et Tokyo Revengers est de ceux-là.
Le hic, c’est que notre héros ne décide pas de la date vers laquelle il est projeté. Il se rend forcément 12 ans dans le passé, jour pour jour par rapport au moment où il remonte dans le temps. Takemichi n’aura donc pas le luxe de rejouer cent fois la même journée pour trouver la bonne fin, chaque opportunité est unique et doit être saisie, quoi qu’il en coûte. Ainsi, ce qui semblait presque anecdotique au départ prend une importance majeure dans l’œuvre, et la tension ne redescend jamais. La moindre erreur se paye cher.
C’est en touchant la main du frère de Hina que Takemichi peut voyager dans le temps. Ni l’un ni l’autre ne saurait expliquer cet étrange pouvoir, mais le petit frère et l’ancien amoureux vont devoir faire équipe. L’existence d’une telle capacité dans un contexte aussi réaliste attise notre curiosité, d’autant que c’est aussi une contrainte ouvrant de nombreuses portes scénaristiques pour l’avenir.
Tokyo Manji-kai !
Remonter le temps, c’est bien beau, mais ça ne suffira pas pour sauver Hina. Cette dernière a perdu la vie dans un règlement de compte du Tokyo Manji-kai, une organisation criminelle en 2017. Mais 12 ans plus tôt, c’est encore un gang de délinquants juvéniles, dont Takemichi fait partie ! Blouson noir, cheveux décolorés, le revoilà dans son style d’ado (bien pratique pour différencier les époques). Cette fois-ci, hors de question de rester un larbin, s’il veut changer le futur, il doit atteindre les sommets. Seul problème : la baston, c’est définitivement pas son truc, pas commun pour un personnage principal de Furyo.
C’est sa rencontre avec Mikey et Draken qui va permettre d’avancer dans cette opération. Respectivement numéro un et deux du clan, ils vont se lier d’une amitié profonde et sincère avec Takemichi, impressionnés par sa détermination et son courage malgré son évidente faiblesse. C’est là que réside une des grandes forces de Tokyo Revengers, ses personnages. Draken, un grand type à la réputation de danger public se révèle être d’une grande bonté, et agit comme un grand-frère pour Mikey. Celui-ci est plus petit, avec un air gentil, cachant bien le fait qu’il fait partie des voyous les plus forts du Japon. Tantôt surpuissants, tantôt fragiles, le manga nous propose une large palette de personnages terriblement humains.
Un polar sauce bagarre
Le trait de Ken Wakui accompagne parfaitement ces personnages et leurs émotions. Débordant de vie et de mouvement, jouant intelligemment avec les contrastes de noir et de blanc, on s’immerge complètement dans l’univers. La mise en scène des grandes batailles rangées n’est pas sans rappeler celle de Crows, un classique du furyo, avec ses faces à faces puissants.
Avec ses éléments de thriller et de science-fiction, Tokyo Revengers propose un nouveau regard sur le Furyo, tout en gardant les codes classiques du genre. Alternant entre les scènes comiques, mêlée générale et tension maximale, le rythme parfaitement dosé nous fait enchaîner les chapitres et les tomes sans voir le temps passer.
Pour toutes ces raisons, Tokyo Revengers est un véritable coup de cœur, nous ne pouvons que trop vous conseiller de vous procurer les 5 premiers tomes parus chez Glénat. Le sixième volume paraîtra le 4 mars 2020.