Dragon Head est l’oeuvre culte de Minetaro Mochizuki. La série en dix tomes parue au Japon en 1995 revient en France chez Pika Graphic ! Le premier tome de cette nouvelle édition, prévue en 5 tomes, est disponible depuis le 20 janvier dernier.
« Une classe de jeunes Japonais rentre en train vers Tokyo lorsque, sous un tunnel, c’est l’accident. Teru, Nobuo et Ako échappent à la mort. Mais enterrés vivants, comment ne pas sombrer dans l’obscurité ? »
Alors que ce voyage s’annonçait comme un long fleuve tranquille, celui-ci vire au cauchemar. Le train censé emmener les élèves à bon port déraille subitement ! L’accident, dont la cause est encore inconnue, est d’une violence inouïe, tant et si bien qu’il ne laisse aucun survivant… sauf un. Teru Aoki est le premier survivant de cette catastrophe. Il fait l’effroyable découverte d’une vingtaine de cadavres autour de lui, tous baignant dans du sang.
Malgré la situation complètement délirante, Teru tâche de garder son calme en présumant une arrivée rapide des secours. Mais le jeune homme n’est pas au bout de ses peines… En quittant la voiture remplie de cadavres, Teru découvre que le tunnel est complètement bouché : il n’y a aucune issue ! La nouvelle est difficile à avaler, mais par chance, Teru découvre un nouveau survivant : Nobuo Takashashi, d’une autre classe !
Bien qu’il ne soit plus seul, Teru a des doutes sur Nobuo qui s’avère être très étrange et de plus en plus dérangé. Alors que Teru découvre une autre survivante, Ako Sato, elle aussi dans sa classe, Nobuo est de plus en plus anxieux et commence à vouer un culte à un certain « Maître de l’Obscurité »… Mais qu’est-ce donc tapit dans l’ombre ? Entre folie et désespoir, Teru, Ako et Nobuo n’auront d’autres choix que de survivre !
Dragon Head est une oeuvre culte de l’horreur japonais. S’inspirant de « Sa majesté des Mouches » de William Golding et de l’incontournable « L’école emportée » de Kazuo Umezu, Minetaro Mochizuki dessine avec brio un véritable cauchemar. En effet, ce huit-clos est très largement l’un des plus terrifiant et oppressant du genre. Pour tous les férus d’horreur : ce manga est incontestablement un must-have !
En effet, Mochizuki parvient très tôt à instaurer un climat oppressant, anxiogène et surtout : dérangeant. Découvrir aussi tôt dans le scénario que le peu de survivant restant est enterré vivant est un coup de maître ! De fait, l’espoir d’une fin heureuse est vite réduit en cendres. Pour un huit-clos, cet effet est très important tant il conditionne la qualité du scénario. Dès les premières pages, les frissons sont garantis !
Dans ces conditions, le panel de personnages de Mochizuki est aussi très pertinent. Effectivement, celui-ci est central puisque l’auteur met en scène des enfants dépourvus de repères et de règles. De fait, il fallait des personnages convaincants et originaux ! C’est ainsi que nous avons Teru, un jeune garçon doté d’un sang froid et un sens plutôt équilibré des règles qui prend très tôt le rôle de « leader ». A l’inverse, nous avons Nobuo qui est l’allégorie de la folie et de la peur. Durant tout le tome, Nobuo se laisse peu à peu tomber dans la folie au point de ne plus pouvoir se contrôler. Son évolution est marquée par ce maquillage presque animal qu’il arbore à la fin du tome et les actes monstrueux qu’il commet. Ce personnage est vraiment dérangeant, voire même traumatisant !
Ce contraste entre Teru et Nobuo est ahurissant : pendant que Nobuo tombe dans une folie pathologique, Teru explore le tunnel à la recherche de solutions. Deux visions s’opposent : l’espoir et la résilience contre la peur et la vulnérabilité. La condition de chaque personnage influe sur leur comportement. Cette idée mène à de nombreuses questions à la fois sociologiques et philosophiques. Au final, Dragon Head est une véritable expérience sociale dans un microcosme cauchemardesque. C’est pourquoi Katsuhiro Otomo dit que l’auteur est le « mangaka le plus talentueux de sa génération » !
En plus d’un scénario perturbant, cette nouvelle édition assure encore plus de frissons. Ce premier tome est en effet très grand avec une couverture minimaliste, mais marquante. Ce format permet de nous plonger encore plus dans ce cauchemar grâce à de nombreuses doubles pages. C’est un plaisir total pour les yeux ! Les visuels sont encore plus puissants, contrastant avec le trait subtil de Mochizuki. De plus, la luminosité choisie est très pertinente. Toutes les cases semblent en effet éclairées par les bougies de notre trio : la promiscuité est au rendez-vous !
Bien que le tome soit assez fragile à cause de son poids et de sa couverture assez fine, il n’empêche que son contenu est très enrichissant ! En effet, on retrouve une préface intéressante de Paul Pope, lequel a travaillé pour Kodansha. La préface nous apporte quelques indications sur les partis pris de Mochizuki. On retrouve aussi à la fin du tome une postface de Sébastien Langevin dénommée « Dragon Head, le pire des Mondes » qui complète notre lecture ! Ces ajouts sont les bienvenus !
En somme, Dragon Head est incontestablement un carton plein. Ce premier tome est irréprochable tant sur le scénario que sur le dessin. Mochizuki allie peur, oppression, philosophie, tabous dans un seul et même huit-clos ! Cette prouesse est d’anthologie. Le rythme de parution de cette nouvelle édition est trimestriel : le prochain tome sera donc disponible le 14 avril prochain, chez Pika Graphic !