Depuis les années 2000 la France s’est placée comme l’un des pays qui importe le plus de mangas, atteignant des records depuis 2020. Et ce suivant un phénomène à l’international plaçant les animes et les mangas sur le devant de la scène comme jamais auparavant. Comment peut s’expliquer cette augmentation et la place de la France comparée aux autres nations telles que les États-Unis ?
L’arrivée des mangas en France
Tout d’abord, il est bon de préciser qu’uniquement les chiffres officiels communiqués par les ayants droits seront pris en compte. L’impact de la consommation sous forme illégale ne pouvant pas être quantifié, même si elle est l’une des raisons de la popularité du médium notamment dans les pays en voie de développement.
L’une des grandes raisons pour laquelle le manga a tant de succès actuellement est indéniablement sa variété. En effet, très peu d’autres formes d’arts proposent des œuvres pour autant de publics différents. Encore plus particulièrement en France, où cette popularité remonte aux jours du Club Dorothée qui a popularisé les animes dans les années 1990 qui, à cette époque-là, étaient peu connus en dehors du Japon. Les mangas possèdent également l’avantage d’être des œuvres transmédia. L’adaptation animée d’un manga booste les ventes de ce dernier et vice-versa. L’arrivée de plusieurs éditeurs differents depuis les années 2000 a permis une consolidation du marché.
La place des mangas sur le marché de la bande dessinée aux États-Unis
De retour en 2020, en pleine crise du COVID-19 et le plus étonnant a été lorsque le top des bandes dessinées les plus vendues sur Amazon US, habituellement constitué de comics venant des deux plus gros éditeurs Marvel et DC puis de mangas, a laissé sa place à un top entièrement constitué des séries de mangas les plus populaires du moment comme My Hero Academia et Demon Slayer. Cela, pouvant s’expliquer par l’énorme gain en popularité que leurs adaptations animées ont eues depuis les dernières années. Également le fait que le genre super-héroïque dans la bande dessinée représenté principalement par le « BIG 2 » (Marvel et DC Comics) peine à se renouveler.
La différence de part de marché entre la France et les États-Unis est très minime. Il n’y a actuellement pas de chiffres officiels communiqués pour la période post COVID-19. Les chiffres communiqués par la Kodansha en 2019 indiquent néanmoins une part de marché légèrement plus élevée pour les États-Unis (25% contre 22% pour la France). Malgré la place qu’occupe les USA sur le marché du manga, ils ne sont pas les mieux lotis en ce qui concerne la disponibilité et la variété des titres.
Une mauvaise gestion de la part des éditeurs anglophones
La différence entre le marché français et le marché américain peut s’expliquer en deux points : le faible nombre d’acteurs sur le marché et des habitudes de consommation différentes.
Premièrement, le nombre d’éditeurs de manga au États-Unis est très bas comparé à la France. Par exemple, l’entièreté des titres de la Shueisha et de la Kodansha sont confiés pour leur sortie dans les pays anglophones aux filiales de ces éditeurs respectifs. C’est à dire VIZ Media et Kodansha USA Publishing.
Deuxièmement, les habitudes de consommation dans les pays anglophones sont différentes. En effet, il y est porté moins d’intérêt à la lecture en format physique qu’en format dématérialisé. Contrairement à la France où le manga est indissociable de l’objet physique que l’on achète en librairie. Il y a aussi régulièrement des problèmes de disponibilité pour des tomes de certaines séries. Si ce n’est des séries entières qui ne sont pas réimprimées. Laissant pour les fans anglophones qui désirent posséder ces séries en physique aucun autres choix que de payer au prix fort sur le marché de seconde main. La pénurie de papier n’ayant sûrement pas aidé ce problème déjà existant. En espérant que cela soit en train de changer avec la montée en popularité du médium et le nombre de lecteurs qui grandit. En France ce problème existe aussi dans une moindre mesure, les éditeurs étant plus réactifs. Ce n’est malheureusement des fois pas assez pour faire pencher la balance quand il s’agit de séries de niche.
Il y a également le cas de nombreux titres qui sortent uniquement en format dématérialisé. Dans certains cas il s’agit d’un éditeur indépendant qui s’occupe de la sortie en volumes reliés. L’éditeur américain VIZ Media a d’ailleurs été le premier à proposer une application pour lire les titres du Shonen Jump sous forme d’abonnement. Et ce avant l’arrivée de l’alternative gratuite de la Shueisha, l’application MANGA Plus conçue pour pouvoir lire les premiers et derniers chapitres de différentes séries. Le tout dans plusieurs langues différentes avec notamment le français ajouté en septembre 2021.
Un nouvel âge d’or du manga
Dans une époque où les restructurations des grandes entreprises et les fusion-acquisitions sont monnaies courantes, rien ne peut nous dire ce que l’avenir nous réserve. En effet, l’annonce du rachat de Crunchyroll par Funimation (Sony), devenue effective depuis courant 2022 a été un changement majeur dans le paysage de la diffusion d’animes dans le monde.
Les sorties aux cinémas de films d’animation japonais ont aussi énormément augmentées. Contrairement à il y a quelques années, où ces sorties étaient évènementielles et dans un nombre de salles limité, elles sont désormais distribuées sur tout le territoire et n’ont rien à envier en termes d’échelle d’exploitation et de nombre d’entrées à celle des derniers blockbusters américains. Le dernier film tiré de la franchise One Piece, Film RED est sorti dans nos contrées seulement 4 jours après la sortie japonaise. Ce qui est une première pour un film d’animation tiré d’un manga. One Piece Red s’approche du million d’entrées en France après 6 semaines d’exploitation. Pour comparer, Jujutsu Kaisen 0 sorti en France en mars 2022 (3 mois après la sortie au Japon) a quant à lui réalisé 500 000 entrées.
De son côté, l’industrie de l’édition de manga en France ne montre pas de signe de ralentissement avec des chiffres records atteints années après années. On redoute néanmoins une saturation du marché avec un nombre de titres publiés de plus en plus élevés. Les éditeurs avec une plus petite part de marché se faisant plus difficilement une place. La lecture numérique s’installe également dans les habitudes de consommation. De nouveaux services apparaissent même si nous sommes encore à leurs balbutiements.