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Memories (critique) : Un plongeon dans l’univers de Katsuhiro Ōtomo

Memories est sorti en 1995 au Japon. Depuis 2004, le film est disponible en France mais uniquement sous forme de DVD. Néanmoins, cette année, en 2022, nous aurons enfin la chance de découvrir cette œuvre sur grand écran dans nos cinémas. Mieux vaut tard que jamais.

Memories est un ensemble de trois courts-métrages réalisés par différentes personnes. Le point commun qui relie ces œuvres est leur origine. En effet, les trois histoires sont issues du recueil Kanojo no Omoide de Katsuhiro Ōtomo, qui par ailleurs s’avère être le réalisateur de Cannon Fodder, le dernier opus qui clôture l’ensemble qu’est Memories.

Épisode 1 : Magnetic Rose 

Magnetic Rose, le premier court-métrage réalisé par Koji Morimoto (Attraction) et le studio 4°C (Les Enfants de la Mer), ouvre la danse. Il dure 44 minutes et se déroule dans l’espace. Il est sans aucun doute inspiré des spaces opéras et films de science-fiction qui étaient populaires à l’époque et on peut aisément affirmer que cette influence lui réussit.

Synopsis : Heintz et Miguel font partie de l’équipage du Corona, un vaisseau d’éboueurs de l’espace profond. Leur travail: dégager le cosmos des épaves et débris de satellites pouvant constituer un danger. Alors qu’ils viennent de détruire un vieux satellite, ils reçoivent un mystérieux SOS. Problème: celui-ci provient d’une zone connue pour sa forte activité magnétique. Bien que réticents, les membres de l’équipage se dirigent vers la source du signal. Ils n’ont pas idée de ce qui les attend. 

En effet, l’histoire de ces éboueurs de l’espace est à la fois courte et vibrante. Elle connaît des hauts, des bas, des moments calmes et d’autres très intenses. L’aventure est vécue et suivie par différents personnages mais on retiendra surtout l’expérience de Heintz et Miguel

Ils pénètrent dans le monde et le passé d’une femme isolée et follement amoureuse de son fiancé, qu’elle finira par tuer dans l’espoir de garder le souvenir de leurs jours heureux. Plongés dans le faux-semblant et dans une lointaine époque ils finiront par se faire engloutir et par succomber aux illusions qui leur sont montrées.

Heintz est un personnage qui marque particulièrement les esprits. Aux airs courageux, grand et paternel il cachait en réalité un événement traumatisant qui lui sera remémoré à la fin du film. Lorsque l’on comprend de quoi il s’agit, on ne peut que s’interroger sur la situation du personnage et sa santé mentale. 

Le spectateur peut alors être pris de réflexion et se questionnera sur ce que sont illusion et souvenir. Par exemple, est-ce que la mort de la fille de Heintz est une illusion totalement construite ? Ou est-ce un évènement qui a réellement eu lieu ? La réponse peut totalement dépendre de votre interprétation mais la majorité tendra vers la seconde option. 

Bercés, ou plutôt malmenés, entre réalité et chimère, les personnages et le film réussissent en 40 minutes à nous plonger dans une atmosphère et un univers propre à l’œuvre. L’histoire d’Ōtomo, couplée au script de l’illustre Satoshi Kon (Perfect Blue) et aux musiques revisitées de Yuko Kanno (Sakamichi no Apollon) en font une véritable réussite qui marque les esprits.

Magnetic Rose, est un court-métrage plein de surprises et de rebondissements. Il séduit de par la qualité de son animation, ses musiques, ses personnages et son histoire. Tout comme le vaisseau Corona, nous nous faisons nous aussi dévorer par la rose d’Eva. 

Épisode 2 : Stink Bomb

Un peu moins impressionnant que le Magnetic Rose, Stink Bomb, reste un court métrage parfaitement exécuté. L’animation est de bonne facture cependant les personnages sont beaucoup moins construits et intéressants que ceux de la première partie de Memories. Le court-métrage dure 40 minutes et est réalisé par Tensai Okamura (Blue Exorcist) et le studio Madhouse.

Synopsis : Nobuo Tanaka est jeune chercheur dans un laboratoire ultra-secret. Grippé mais déterminé à assurer sa journée de travail, Tanaka avale ce qu’il pense être un comprimé expérimental contre la grippe. Mort de fatigue, il finit tout de même par s’endormir en douce dans un coin du labo. A son réveil, il se rend vite compte que la situation sent mauvais…

La base du scénario est très intéressante. Un homme très enrhumé fait tout son possible pour se débarrasser de ses symptômes. Dans un élan de détresse, il finit par gober une gélule qu’il pense être contre le rhume et devient, par inadvertance, une arme dévastatrice. Avec une base aussi originale on peut s’attendre à beaucoup de choses. Mais, de notre point de vue, le potentiel du scénario n’a pas été utilisé dans ce court métrage. 

Le début est très calme voire assez lent. Il faut attendre un certain temps avant de comprendre véritablement l’objet du court-métrage. Cependant, au fur et à mesure de l’avancée de l’histoire, on en devine rapidement la finalité

Bien que le personnage voit tout le monde tomber comme des mouches sous ses yeux, rien ne semble le choquer. Nobuo fait son possible pour accomplir sa nouvelle mission “Faire parvenir les documents au supérieur de son chef”. Il voit que la ville est sans vie, que d’innombrable corps parsème son chemin, qu’une étrange fumée le suit (son odeur), que les gens meurent en s’approchant de lui, qu’il se fait attaquer par l’armée japonaise et américaine mais rien ne le fait sourciller. 

Il est clair que la naïveté du personnage doublé par le manque de communication et des quiproquos qui englobent l’œuvre sont à fins comiques. On peut y voir également une légère attaque contre l’armée et les régimes politiques japonais et américains. Le but est de faire rire le spectateur en le mettant face à des situations improbables. Entre accidents, tentatives d’assassinat ratées, explosions et un héros beaucoup trop naïf, Stink Bomb peut, en effet, vous faire sourire. 

Néanmoins, après un court-métrage aussi fort et lourd de sens que Magnetic Rose, il perd un peu de sa saveur. Il est clair qu’il ne fera pas rire tout le monde aux éclats et qu’il n’est pas inoubliable mais il reste tout de même intéressant à voir. 

Épisode 3 : Cannon Fodder 

Le dernier court-métrage Canon Fodder se démarque des deux autres. Réalisé par le studio 4°C et Katsuhiro Ōtomo lui-même, le style graphique est ce que l’on retient le plus du court-métrage.

Synopsis : Chaque citoyen est contraint de contribuer à l’effort de guerre, afin d’assurer l’avenir de sa ville. Jeunes ou vieux, hommes ou femmes, tous doivent assurer la fabrication de munitions, l’entretien des canons et leur charge…

En réalité, en plus du style, l’ambiance globale de ces 22 minutes est particulière. L’histoire prend place dans un monde dystopique où tout le monde vit et se détruit la santé pour la gloire du pays. Un pays où tout le monde se ressemble, où tout est terne et monotone. La vie des habitants tourne autour de la guerre et des canons. Les jeunes rêvent d’avoir une place importante dans l’armée, les parents travaillent dans les usines, l’alimentation et l’argent manquent. 

Le court-métrage est énigmatique, au fur et à mesure de son avancée on se pose des questions sur sa finalité, cependant ce sont des questions qui resteront sans réponses. Mais ce n’est pas pour autant que c’est dérangeant, dans le cinéma il n’est pas nécessaire d’avoir une conclusion à tout. Ce court-métrage est clairement conceptuel et sa force réside dans son traitement plutôt que dans son histoire

Par ailleurs, le discours de l’enfant à la fin de l’œuvre sonne très cru. Il avoue ne pas vouloir être comme son père et souhaite devenir quelqu’un d’important. Cependant lorsque le court métrage se termine on sait pertinemment qu’il y a de forte de chance qu’il finisse comme son paternel. Seul l’enfant semble capable de rêver dans un monde aussi gris mais même son rêve annonce un avenir loin d’être radieux

Cannon Fodder est un film intéressant et le quotidien banal qu’il dépeint est captivant. Par ailleurs, l’utilisation des sons est d’une incroyable justesse. Les bruitages secs, métalliques et froids, qui ressortent jusque dans les bruits de pas, font que la bande sonore apporte une énorme plus-value au style graphique.

Conclusion

Bien que surprenant, Canon Fodder conclut parfaitement Memories et nous prouve que Katsuhiro Ōtomo est un homme inventif et pouvant écrire toutes sortes d’histoire. Memories est une excellente découverte, s’immerger dans l’univers d’Ōtomo est toujours aussi palpitant.